Découvrez l’herbe aux hémorroïdes !

Dès le mois de février, elle illumine les haies, les sous-bois et les bords de rivière. La ficaire attire le regard avec ses fleurs jaune vif à 6 à 12 pétales et ses jolies feuilles en forme de cœur. Cette plante a bien des choses à nous apprendre. Membre d’une famille dangereuse, elle présente des vertus médicinales bien particulières qui ont permis à Yves Rocher de créer le groupe qu’on connaît aujourd’hui.

Toutes les caractéristiques et l’histoire de la ficaire sont résumés dans les autres noms qu’on lui donne : herbe aux hémorroïdes, herbe au fic, épinard du bucheron, grenouillette, herbe au scorbut…

La ficaire : une plante facile à identifier

Il est assez facile de distinguer la ficaire, alias Ranunculus ficaria, des les autres fleurs « jaunes » qui pointent le bout de leurs étamines en ce début de printemps. Voici quelques critères imparables :

• Des feuilles en rosette, glabres, vert foncé et en cœur (= cordiforme en langage botanique), avec de nombreuses nervures
• Des fleurs comptant 6 à 12 pétales d’un jaune vif et lumineux avec 20 à 40 étamines
• Une tige souterraine portant de fines racines et des organes tubérisés qui sont à l’origine de sa reproduction principalement végétative

Une famille peu recommandable : les Renonculacées

Cette famille est surtout répandue dans l’Hémisphère Nord. Elle réunit plus de 40 genres et 2350 espèces. Cette famille se caractérise par :

• la présence de proto-anémonine chez un grand nombre de ses membres. Cette substance est toxique lorsque la plante est « fraiche ». Le séchage la transforme en anémonine, non toxique.
• des feuilles alternes (le plus souvent)
• des étamines nombreuses
• des nectaires (luisants) souvent présents
• plusieurs carpelles libres (rarement un seul)

Il faut se méfier de cette famille qui comprend plusieurs espèces toxiques voire mortels. Leur ingestion provoque d’abord une sensation de brulures, dans la bouche et à la gorge puis nausées, vomissements, coliques, convulsions, troubles respiratoires voire mort.

Les plus dangereuses sont:

• la renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus) 
• la thora (Ranunculus thora)
• le boutons d’âcre (Ranunculus acer) 
• la renoncule bulbeuse (Ranunculus bulbosus)
• la petite douve (Ranunculus flammula)
• la grande douve (Ranunculus lingua)
• …

Et la ficaire : toxique ou non ?

Pas facile de se faire une idée définitive sur le cas de la ficaire. L’ethnobotaniste François Couplan la considère comme comestible :

« les jeunes feuilles peuvent être ajoutées crues aux salades composées. Elles sont à peine âcres alors que ses cousines, renoncules ou boutons d’or sont beaucoup trop irritantes pour pouvoir être utilisées (…) Plus âgées, la ficaire peut être cuite à l’eau pour éliminer son âcreté puis préparées de diverses manières. c’est un légume qui n’est pas désagréable. »

Le spécialiste des plantes sauvages met en garde toutefois contre une consommation excessive de ficaire qui pourrait se montrer irritante. Il recommande de consommer des feuilles de ficaire en mélange avec d’autres plantes et avec parcimonie.

Dans 300 plantes comestibles, on lit que les feuilles fraiches ont une saveur acidulée et piquante en début de printemps. Les auteurs indiquent que les boutons floraux peuvent être mis à macérer 2 jours dans puis conservées dans l’huile ou le vinaigre. Ils précisent aussi que les jeunes tubercules à saveur de noisette peuvent se consommer crus.

Une plante médicinale ….

Lorsqu’on observe attentivement les racines de la ficaire, on aperçoit de petites nodosités qui font penser … à des hémorroïdes. Il n’en fallait pas plus pour donner au ficaire le pouvoir de soigner les hémorroïdes, conformément à la théorie des signatures. Elle était donc utilisée sous forme d’onguent ou de compresses à appliquer sur la zone douloureuse. Et de décoction à ingurgiter.  

De nos jours, la pharmacienne Claudine Luu indique que la racine de ficaire peut être utilisée en usage externe exclusivement pour ses propriétés analgésiques, vasoconstrictrices (hémorroïdes, et autres affections anales), anti-inflammatoires, antiseptiques (maladies cutanées comme la gale, prurit, enflures articulaires ou gingivales)…

Certaines précautions d’emploi sont toutefois à noter : action rubéfiante et vésicante à l’état frais sur la peau et les muqueuses, diarrhées et douleurs intestinales possibles après usage interne. L’automédication est donc déconseillée.

… qui a fait la fortune d’Yves Rocher

La ficaire est à l’origine de l’entreprise Yves Rocher. Ce dernier souffrait d’hémorroïdes. Pour soulager ses douleurs, il consulte une guérisseuse qui lui prescrit de la pommade à base de ficaire et de saindoux. Le remède se révèle efficace. Yves Rocher décide de développer ce produit dans les années 50 et délaisse l’entreprise familiale de chapellerie.

Il a aussi le coup de génie de faire la promotion de son produit dans la presse parisienne. La vente de cet onguent lui vaut un beau succès commercial… mais aussi pas mal de procès intentés par des pharmaciens. Yves Rocher va ensuite se concentrer sur la cosmétique, beaucoup moins risquée mais toujours à partir de plantes.

Bibliographie.

Plantes sauvages, comestibles et toxiques. François Coupla, Eva Styner. Guide Delachaux. 300 plantes comestibles. Christa Bastgen, Berko Schröder, Stefanie Zurlutter. Les indispensables Delachaux. Les plantes qui tuent. Elizabeth Dauncey & Sonny Larsson. Ulmer. 300 plantes médicinales de France et d’ailleurs. Claudine Luu & Annie Fournier. Terre vivante.
Fleurs sauvages en Bretagne du printemps à l’été. Hervé Guirriec, Jean-Yves Kerhoas. Locus solus.